Les carottes de la discorde

Le registre matricule d’Alcide Bernard, frère de mon arrière-grand-père mentionne qu’il a été  »condamné par jugement contradictoire du tribunal de Doullens le 6 novembre 1902 à huit jours de prison pour vol de récoltes »

Intriguée, j’ai demandé une copie dudit jugement aux archives départementales de la Somme. J’ai reçu une copie du jugement et une copie de l’enquête de gendarmerie.

Le 6 novembre 1902 est donc jugée  »L’affaire du vol de récolte non détachées du sol ». Comparaissent Alcide Bernard et son épouse Marie Roussel.

L’affaire remonte au 20 octobre. Reconstitution des faits d’après l’enquête de gendarmerie, les déclarations des témoins et des accusés :

Le 20 octobre, Alcide est en train d’arracher des betteraves dans un champs mitoyen au champs de carottes de M. Delaporte. Marie en profite pour ramasser des carottes dans le champs voisin. Elle affirme ne pas les avoir arrachées à la terre mais simplement ramassées. Des carottes cassées par les pieds des chevaux.

Les carottes sont destinées aux lapins et Marie les déposent dans son tablier bleu au pied de la haie de M. Coullemont. Elles y sont restées jusqu’au soir lorsqu’Alcide est allé les récupérer.

Ulysse Delille, garde-champêtre, déclare aux gendarmes que ce 20 octobre vers 6 heures du soir, en passant près du pâturage de M. Henri Coullemont, il a remarqué au pied de la haie, un tablier bleu rempli de carottes fourragères.

Alors, avec l’idée de démasquer le voleur, le garde-champêtre se cache 4 mètres plus loin et 5 min plus tard, voilà Alcide qui vient chercher les carottes. Le garde-champêtre sort de sa cachette et après avoir écouté Alcide lui raconter la manière dont les carottes de sont retrouvées à cet endroit, il informe Alcide de sa volonté d’établir un procès-verbal. Alcide lui demande de n’en rien faire et tente de le soudoyer en lui donnant 50 centimes; que le garde-champêtre refuse. Alcide rempoche donc ses 50 centimes et rentre chez lui avec les carottes.

Le lendemain, le garde-champêtre va rapporter les événements à M. Delaporte. Celui-ci déclare que les carottes n’étant pas encore mûres, il n’a pas commencé à les ramasser. Marie Roussel n’aurait donc pas pu les ramasser comme elle le prétend mais elle les aurait bel et bien déterrées.

Les gendarmes prennent le relais et, le 22 octobre, procèdent à une perquisition au domicile d’Alcide et Marie durant laquelle ils trouvent  »des carottes fourragères cachées dessous un lit dans une chambre à coucher. »

L’affaire des carottes s’annoncent mal pour Alcide et Marie.

D’autant qu’ils semblent avoir une mauvaise réputation dans la commune,  »le mari passe pour un rapineur et on ose pas porter plainte contre lui car on le craint. La femme passe aussi pour une rapineuse et une très mauvaise langue. De plus elle est de mœurs légères. »

Le jugement est assez expéditif. Le juge écoute d’abord Alcide qui déclare :

Je n’ai rien à dire au sujet des carottes. Ma femme est revenue avant moi à la maison et en passant elle a ramassé les carottes qu’elles a mises dans son tablier. J’ai offert 50 centimes au garde. C’est moi qui suis allé chercher les carottes.

Puis le juge entend Marie :

Ce sont des carottes que j’ai ramassées en passant, je ne les ai pas déracinées. J’ai eu tort, je n’aurais pas du faire cela.

Le juge les a condamné à 8 jours de prison chacun.




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